Le foyer ADOMA de Châtenay-Malabry, l’histoire de la dernière famille avant démolition par Geneviève Colomer, conseillère municipale

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Cynismes.

Ils avaient du mal à dormir ces derniers jours, Monsieur Santara , sa jeune femme et leur fils de 18 mois, dans la chambre de l’hôtel Chateaubriand, qu’ils occupent depuis le 13 décembre dernier. Arrivés entre 2 policiers lors de l’évacuation du foyer de travailleurs Adoma, avenue de la Division Leclerc à Châtenay-Malabry. Car ils y étaient en péril d’après les pompiers, venus pour la deuxième fois éteindre un incendie avec ‘beaucoup de fumée’ dans un placard de la cuisine commune, comme la dizaine de départs de feu, le jour, la nuit, déclarés au cours des dernières semaines au foyer. Il n’y restaient que 4 locataires, certains en famille, les derniers en attente de relogement sur la centaine de résidents de ce foyer promis à la démolition prochaine dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain tripartite, ville, Office HLM du 92, Conseil Général des Hauts de Seine.

La veille et pour la première fois depuis le début des relogements en 2011, les services de la mairie avaient proposé un F2 à Monsieur Santara. Il aurait préféré avoir une chambre de plus, pour y installer le petit, dont les affaires pas encore déballées, étaient stockées chez ami, faute de place. Il demande à réfléchir. Le lendemain, après l’évacuation du matin, il revient à la mairie pour accepter ce logement. On lui dit que ce n’est plus possible, le bailleur a refusé son dossier. Alors il repart à l’hôtel. La chambre est payée par Adoma, le gestionnaire du foyer qui les a fait évacuer. Mais la police repasse pour leur dire de partir puis le 17 décembre, un huissier leur porte une lettre d’Adoma, leur intimant d’aller dans un hébergement d’urgence géré par le 115. Une façon de débarrasser la mairie et Adoma de leur obligation de relogement…

Ils refusent cette ‘solution’, puis une deuxième fois en janvier. A Adoma, on refuse de comprendre : ‘cela serait tellement mieux pour eux, ils seraient suivi socialement…’ Sauf que M et Mme Santara ne sont pas des ‘cas sociaux’. Lui, après un CAP de comptabilité passé au Mali, passe un CAP d’électricien en France plus utile pour trouver du travail dans le bâtiment, alors secteur en tension. En 2011, il gagne environ 1200€ par mois et sa femme poursuit ces études de commerceet de marketing au CNAM, après la naissance de leur enfant à Antony. Il cherche un logement pour sa famille et son dossier de demande de logement locatif social déposé en 2007 est toujours en attente.

Le vendredi 2 février au soir, la réceptionniste de l’hôtel a l’ordre de verrouiller la chambre, Adoma ne payant plus depuis le 1er février. Alerté, le gérant de l’hôtel, pour des raisons humanitaires, accepte de laisser la chambre accessible jusqu’au lundi. Puis le gérant confie qu’Adoma assure encore le paiement.

Entre temps, le maire de la ville donne un rendez-vous pour 3 semaines après… Voilà ce qu’affirmera le maire lors de ce rendez-vous : ‘Il y avait 120 personnes du foyer à reloger, alors nous avons une liste : j’en relogeai 100 chez moi et Adoma avait la charge d’en reloger les 20 derniers. J’ai fait ma part, à Adoma de faire la sienne. M. Santara est sur la liste d’Adoma, je n’ai donc pas à le reloger. Maintenant le rendez-vous est terminé, j’ai autre chose à faire. Le foyer va enfin pouvoir être démoli.’

Une liste ? sur quels critères ? On se partage les relogements, ceux-ci chez moi, ceux-là, je n’en veux pas… On choisit ses pauvres, dans le confort du bureau d’un élu de la République..

Pourtant la démolition du foyer fait partie d’une opération de renouvellement urbain du quartier avec construction d’une nouvelle résidence sociale. L’obligation de relogement était double : ORU et nouvelle résidence dans laquelle les résidents du foyer auraient dû être prioritaires (circulaire 2006-45 du 4/07/2006 relative aux résidences sociales). Mais dans ce bout du 92, fief de MM. Devedjian et Siffredi, présidents et vice-président du CG92, administrateur de l’OPDH 92, les choses se font à 3, ville, office et CG92 : l’ORU, la résidence sociale, les mêmes financeurs ou opérateurs.. Même le contingent préfectoral de logements d’urgence dévolu au préfet, est en gestion directe de la mairie, ce qui donne au maire un volant de 1/3 environ des 4400 logements sociaux de la Butte Rouge, cité jardin gérée par l’OPDH 92…

Maintenant Adoma , après l’hébergement d’urgence via le 115, recherche une place en centre de stabilisation , c’est-à-dire un ‘dispositif qui vise avant tout un public très désocialisé, à la rue depuis plusieurs années et en rupture avec les structures classiques’ (site Adoma) . Mais il n’y a pas de place, peut-être à fin mars. En attendant, il est proposé une place en foyer pour le monsieur, sans hébergement pour sa femme et son fils .. La famille refuse, pour la 3e fois, une proposition d’Adoma. ‘Ils refusent tout pour différentes raisons !!!’ dira la direction d’Adoma.

Ces derniers jours, voici l’ultime proposition d’Adoma :

Un studio de 32 m2, soit une kitchenette, une salle de douche et une pièce commune, dans une résidence non conventionnée, c’est-à-dire du logement ‘social’ sans possibilité de demander l’Aide Personnalisée au Logement ! Et pour un loyer équivalent à celui du privé : 603 € ! On peut se souvenir qu’Adoma est un organisme d’insertion par le logement, dont l’état possède 57% du capital et qui gère 32.000 logements en France…

Monsieur Santara hésite, fait ses comptes, ne veut pas se retrouver dans une situation financière à laquelle il ne pourra pas faire face. Depuis son évacuation, sa situation est devenue plus précaire, sans adresse fixe, sans boite aux lettres, il est difficile de refaire des papiers, de trouver un emploi…Fin janvier, il signe un CDD, un contrat précaire sans date de fin de contrat, pour faire la plonge dans un collège, à temps partiel pour 817 € par mois. Après avoir payé son loyer, il ne restera que 200€ pour vivre pendant un mois pour 3 personnes.

Adoma connait la situation, pourtant l’ultimatum se profile, Adoma ne va pas continuer à régler une chambre d’hôtel de luxe. Cette famille est enfoncée dans la précarité, mais quel choix a-t-elle ? M. et Mme Santara n’ont aucune exigence sur leur lieu de résidence, toutefois ils souhaiteraient pouvoir relier le CNAM à Paris où Mme Santara finit sa licence cette année, pour travailler ensuite. Cette famille ne demande qu’un toit, pour vivre tranquille, sans assistance. Loin du cynisme de ceux qui ont décidé de leur vie.

Geneviève Colomer, Conseillère municipale associative à Châtenay-Malabry